Arts-aux-Cailles

ANTONI ROS BLASCO poursuit son chemin en solitaire, en dehors des modes. Cet artiste exigeant, parvenu à une excellence, ne saurait passer inaperçu, tant l’œuvre est forte, lucide, tragique comme celle des grands peintres espagnols, Zurbaran, Goya, Picasso. La nuit, d’un noir absolu, hiératiques, ces figures étranges, déliquescentes ou armées de heaumes ou de cages prismatiques nous interpellent, leurs yeux fixes et noirs contemplent l’incicible, l’inexorable destin de l’homme. Figures totémiques, archétypales de la nuit ancestrale, aux couleurs primitives des peintures murales des civilisations préhistoriques silencieuses et pourtant interrogatives. Quelle tragédie se joue ou s’est jouée, quel enfer vivent ou ont vécu ces personnages, à quels rituels participent-ils ? Le pictural et le géométrique s’affrontent ou s’accordent pour n’offrir du théâtre de la vie que sa quintessence. L’œuvre de Ros Blasco, hautement symbolique, s’origine dans la pensée mythique. Comme elle, bipolaire, elle se joue des contraires. D’un côté la nuit, l’enfer, de l’autre la vie, la lumière, l’esprit. L’angoisse de l’homme primitif devant les mystères de la vie, devant l’incompréhension du cosmos, n’est pas si éloignée de celle de l’homme moderne. Ce dernier s’interroge toujours sur ses origines et reste soucieux de son avenir. Dans son universalité, la simplicité formelle de ses symboles, l’œuvre de Ros Blasco exprime le tragique de la condition humaine et apparaît comme une épure, un élan vers la lumière, l’esprit.

 

Maryvonne Georget, 2008